Hu Jia prix Sakharov
Le Parlement européen a décerné son prix
Sakharov de la liberté de pensée au dissident chinois Hu Jia, ce qui a
suscité sans surprise une réaction courroucée de Pékin, à la veille du
septième sommet Europe-Asie. Hu
a été condamné à trois ans et demi de prison en avril dernier pour
"incitation à la subversion" après avoir témoigné sur les droits de
l'homme en Chine devant une sous-commission de l'instance législative
européenne. "En décernant le prix Sakharov à Hu Jia, le Parlement
européen adresse un signal fort de soutien à tous ceux qui défendent
les droits de l'homme en Chine", a déclaré le président de l'assemblée,
Hans-Gert Pöttering. Un porte-parole du ministère chinois des
Affaires étrangères a exprimé son mécontentement en fustigeant
l'attribution du prix à un "criminel condamné" et en dénonçant une
ingérence dans les affaires intérieures chinoises. Liu Jianchao a
toutefois jugé que cette question ne serait pas de nature à perturber
le déroulement du sommet Asem, vendredi et samedi à Pékin. "Par rapport
à tant d'affaires internationales pressantes, c'est trop insignifiant
pour qu'on s'étende davantage sur le sujet", a-t-il. Les
autorités chinoises avaient déjà stigmatisé Hu Jia comme "criminel"
avant l'attribution du prix Nobel de la paix, pour lequel il a fait un
temps figure de favori. Le Nobel a finalement été attribué le 10
octobre à l'ancien président finlandais Martti Ahtisaari, médiateur
dans de nombreux conflits depuis plus de trente ans.
Hu
Jia, qui est âgé de 35 ans, a commencé sa carrière comme avocat des
victimes du sida dans les campagnes chinoises, pour devenir l'un des
défenseurs les plus en vue de la protection de l'environnement, des
droits de l'homme, de la liberté de culte et de l'autonomie du Tibet. Il
a été arrêté et inculpé à la suite de son témoignage devant la
sous-commission des droits de l'homme du Parlement, par téléconférence,
le 26 novembre 2007. Avant sa condamnation à la prison, Hu avait déjà passé de nombreux mois en résidence surveillée avec sa femme et son enfant. "Enfin
une bonne nouvelle", a déclaré son épouse Zeng Jingyan, contactée par
le bureau de Reuters à Pékin, en réaction à l'attribution du prix
Sakharov. "Hu serait très heureux s'il le savait." Zeng a rendu
visite mercredi soir à son époux qui a été transféré le 10 octobre dans
une "prison modèle" de Pékin après avoir purgé une première partie de
sa peine dans une prison de Tianjin, le grand port situé au sud de la
capitale.
Pöttering a déclaré que Hu souffrait d'une cirrhose du
foie et qu'à sa connaissance, il n'avait pas accès à des soins médicaux
adaptés. Une personne ayant pu rencontrer Hu en septembre dernier
s'était inquiétée de son état de santé et avait déclaré qu'il avait été
placé au moins une fois à l'isolement et enchaîné. En tant que
bouddhiste pratiquant, l'opposant suit un régime strictement
végétarien, ce qui lui a valu des problèmes pour se nourrir en prison,
a ajouté cette même source. Les autres prisonniers n'ont pas
l'autorisation de lui prêter des objets. Les lettres qu'il envoie à ses
proches sont relues par l'administration pénitentiaire qui lui ordonne
de les réécrire lorsque leur contenu ne lui convient pas.
Le prix
Sakharov, qui tient son nom de l'ancien militant des droits de l'homme
de l'ère soviétique Andreï Sakharov, est attribué chaque année depuis
vingt ans. L'an dernier, il avait été décerné à l'avocat soudanais Salih Mahmoud Osman. La cérémonie de remise du prix, qui s'accompagne d'un chèque de 50.000 euros, est prévue le 17 décembre à Strasbourg.