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Ma vie avec moi...
17 octobre 2008

La bouillabaisse nationale

photo_1224070484053_1_0_w350Ce qu'il y a de bien, avec le foot, c'est que, contrairement au water-polo ou au curling, c'est un sport qui donne à réfléchir. Avec les autres sports, lorsque se déroule une épreuve, la plupart du temps l'événement en soi ne sera jamais que sportif. Tandis qu'avec le foot, on a vite fait d'embrayer sur des tas d'autres choses. Souvenez-vous, c'était il y a à peu près six mois, la France s'émeuvait parce qu'une banderole insultante pour les « Ch'tis » avait été déployée par des supporters du PSG. Enfin, « la France », disons ses médias et une bonne partie de sa classe politique. On découvrait ou feignait de découvrir que les stades sont souvent remplis d'un nombre non-négligeable de crétins absolus. Et on était d'autant plus choqué que, cette fois, il ne s'agissait pas d'injures racistes « ordinaires »: les bananes jetées aux joueurs noirs, passe encore, mais insulter les « gens du Nord », ça, non. Cette semaine, nouveau drame d'ampleur nationale: des supporters tunisiens ont sifflé la Marseillaise lors d'un match amical France-Tunisie mardi soir. L'affaire est grave : Nicolas Sarkozy lui-même, délaissant un moment le sauvetage de l'économie mondiale, s'est emparé du « dossier », flanqué de son Premier Ministre et des membres du gouvernement concernés.

Il y a des précédents : la Marseillaise fut également sifflée lors de matches France-Algérie et France-Maroc. Et il y en a un à qui ça n'a pas échappé : Jean-Marie Le Pen s'est fendu d'un communiqué sur l'échec de l'intégration de « masses étrangères ». On lui objectera, a minima, que s'il n'avait tenu qu'à lui à une certaine époque, l'Algérie, le Maroc, la Tunisie et tout un tas d'autres pays remplis de gens à peau sombre seraient restés dans le giron de la France. Ces « masses », bien que nées sur des sols lointains, auraient donc été moins étrangères que ces gamins ayant vu le jour à moins de vingt kilomètres de Notre-Dame, hein, dis, Jean-Marie ? N'empêche, cet hymne national sifflé pose la question de l'intégration. Mais pas forcément comme on l'imagine a priori. Reprenons : des gens dont les parents ou grands-parents sont nés de l'autre côté de la Méditerranée viennent assister à un match de foot entre la France et, disons, le pays d'origine de leurs ancêtres. Pour simplifier, admettons que les supporters siffleurs ce soir-là étaient tous d'origine tunisienne. Rappel : un supporter de foot, qu'il soit ukrainien ou berrichon, est avant tout un supporter de foot. Son truc, c'est de démontrer bruyamment à quel point il adore l'équipe A. Assez fréquemment , cette dévotion implique ipso facto la détestation de l'équipe B, et plus encore des supporters de l'équipe B. En Amérique Latine, cette passion pourra aller jusqu'au meurtre, sous nos latitudes on se contentera le plus souvent d'insultes, de bousculades ou de bagarres.

Tout ça pour dire que nos supporters de l'équipe tunisienne, en tant que supporters, vivent l'événement avec une idée en tête : exprimer avec éclat leur détestation du camp d'en face, en l'occurrence « la France ». Mais aucun d'entre eux n'a eu le temps de préparer une chouette banderole du genre « Français = enculés ». A défaut de l'image, reste le son : on siffle donc l'hymne national du camp d'en face - fût-il chanté par une « compatriote » - c'est toujours ça de pris. Bref, le supporter de l'équipe tunisienne, surtout en bande, ne se distingue en rien des autres supporters, c'est avant tout bien souvent un con : exemple s'il en est de l'unité de l'espèce humaine, exemple à jeter à la face de tous les racistes. Là où ça devient troublant, c'est qu'on peut aisément affirmer que la plupart de ces supporters « tunisiens » sont « de jure » des Français car nés en France, et si ça se trouve leurs parents aussi. Idem pour les supporters « algériens » et « marocains » des matches précédents. Par ailleurs, on peut imaginer que leur expérience du Maghreb, aux uns et aux autres, se limite à quelques vacances de ci-de là, et leur connaissance de l'arabe, pour la plupart, à « Nah'din a mouk ». D'où vient dès lors cette expression soudaine de déloyauté ?

Première explication évidente, d'ores et déjà reprise ici et là dans les médias : l'intégration ne fonctionne pas comme elle devrait, c'est le moins qu'on puisse dire. Le sentiment national ne se décrète pas, notamment lorsqu'au quotidien flics, employeurs et un certain nombre de français de souche vous rappellent que vous êtes d'origine ceci ou cela, explicitement ou implicitement. Il y a autre chose, qui renvoie au phénomène foot : de même que pour la banderole anti-Ch'tis, on décèle dans ces sifflets une forme de transgression, éminemment jouissive pour un supporter chauffé à blanc. Siffler la Marseillaise - le départ tonitruant de Chirac de la tribune officielle lors du France-Algérie l'a prouvé - c'est l'assurance d'une réprobation outrée de la part d'une France perçue comme bien-pensante : politiques et médias mais aussi, dans le cas qui nous occupe, français de souche. La sur-réaction du gouvernement (et de l'opposition) ne saurait que renforcer nos facétieux supporters dans le sentiment qu'ils tiennent là un truc efficace, aussi efficace qu'une bonne banderole remplie de gros mots ou une baston générale à coups de battes de base-ball.

Sur le fond, quant à moi, cette Marseillaise sifflée me laisse indifférent : pour des tas de raisons, je n'ai jamais vibré à cet hymne aux paroles grotesques, je n'ai pas de sillons à abreuver (mon côté urbain, sans doute) et quand bien même j'en aurais, j'ai beaucoup de difficultés avec la notion de sang impur. Je suis sûrement un mauvais français. Finalement, on peut dire que siffler la Marseillaise ou la chanter au garde-à-vous avec la larme à l'oeil, si on y réfléchit bien, c'est la même chose : c'est exprimer une émotion autour de quelques vers de mirliton jetés sur une partition pompeuse, c'est renoncer à l'intelligence et se laisser entraîner par une force d'ordre symbolique et irrationnelle. Du coup, ces supporters qui sifflent la Marseillaise expriment deux choses : d'une part l'importance qu'ils accordent à ce chant, d'autre part l'alignement sur un comportement -la transgression- qu'on retrouve chez tous les supporters excités de France et de Navarrre. Paradoxalement, cette Marseillaise sifflée signe une certaine forme d'intégration. D'intégration par la connerie, certes, mais d'intégration quand même.

Riwal Ferry

* * *

Je colle cet article, mais je ne suis pas totalement d'accord avec son contenu. Le problème est en effet beaucoup plus profond.
Pour qu'il y ait intégration réussie, encore faudrait-il que le pouvoir y participe un minimum. Au lieu de quoi, il cherche plutôt à s'en débarrasser, et les laisse s'enfoncer toujours davantage dans la pauvreté et la précarité, en faisant bien attention qu'ils soient considérés comme des français de seconde zone, prêtant le flanc à ce genre de comportements. J'ai beau fouiller ma mémoire, je ne vois aucun effort politique pour régler ce douloureux problème depuis des années. Plutôt du mépris et de l'identité nationale en bandoulière.
Encore une fois, on va essayer de trouver une solution à un effet de la politique nationale de "désintégration" en stigmatisant une certaine population ( des "agités du bocal" sans doute ), en omettant sciemment de s'attaquer aux causes réelles du problème : le racisme français, et les lacunes du pouvoir en ce qui concerne les droits de ses concitoyens d'origines étrangères. Cet incident sera donc une nouvelle tentative pacifiste ( parce que ça vaut mieux que de brûler des voitures ou que de tout casser ) pour une partie de la France étouffée et muselée d'exprimer son mal être à la face du pouvoir. Mais jusqu'à ce qu'on leur vienne en aide, ce genre d'évènements sera monnaie courante. Et plus on cherchera à les faire taire, plus ils seront tentés d'utiliser la manière forte.

Et puis franchement, siffler cette aberration qu'est "La Marseillaise", je ne vois pas le mal.

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Commentaires
F
que tu es dur avec nos politiques , Kali ! avec tous les efforts de notre petit président pour intégrer les minorités : DES femmes au gouvernement ! ( si ! il a osé ! ) , 2 arabes , une noire et même une polytechnicienne ... franchement ,je te trouve très injuste ...
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