Pour un monde plus mieux
En l'an 2000, l'ONU a adopté un ambitieux programme appelé les «Objectifs du Millénaire».
Sur la base de solides travaux de la Banque Mondiale, il fut décidé de
viser, pour 2015, l'éradication des grandes pandémies (Sida, Paludisme,
Tuberculose), la réduction de la très grande pauvreté, la diminution
par deux de la faim dans le monde, la réduction drastique de la
mortalité périnatale maternelle et infantile et la régression
significative de l'illettrisme et des discriminations envers les
Femmes. Le coût du programme ? Environ 150 milliards de dollars par an...
A mi chemin de ce parcours, l'ONU vient de publier un rapport d'étape, qu'ATTAC résume comme suit :
«
- La faim et la pauvreté : les populations qui souffrent de la faim
continuent, en valeur absolue, à croître et la faiblesse des
rémunérations maintient 20% de la population salariée sous le seuil de
pauvreté.
- Assurer l'éducation primaire pour tous : un certain
progrès numérique de l'enseignement mais la qualité de l'éducation
manque et le nombre des enfants réfugiés sans école va croissant
- Egalité des sexes : à l'école et au travail, la discrimination ne régresse guère
- Réduire la mortalité infantile : les décès des enfants de moins de cinq ans sont toujours considérables
- Améliorer la santé maternelle : en Afrique subsaharienne, le risque
de mourir au cours de la grossesse ou de l'accouchement est toujours
élevé
- Combattre sida, paludisme et autres maladies : moyens
efficaces mais non accessibles à une part importante des populations
- Assurer un environnement durable : la moitié de la
population mondiale n'a pas accès à l'eau et l'objectif ne sera pas
atteint en matière d'installations sanitaires
- Partenariat pour le développement : l'aide publique au
développement est inférieure à 0,3 % du PIB mondial et le commerce
mondial n'améliore rien »
Parallèlement, la FAO, qui prépare pour demain sa journée mondiale
contre la faim constate une augmentation de la faim dans le monde :
plus de 920 millions de personnes se couchent tous les soirs la faim au
ventre, et meurent lentement dans cette prison. Les raisons ? On en connaît plein : le
sous-développement, la corruption, la domination de l'Occident, les
inégalités du marché, les guerres, la rapacité... Mais la raison principale est bien
simple : les Etats, à de rares exceptions près, n'ont pas tenu leurs
engagements. Les 150 milliards de dollars annuels nécessaires à la mise
en place des objectifs du Millénaire n'ont jamais été versés. On n'a
même jamais atteint les 100 milliards.
A l'aune des 3000 milliards
(estimation provisoire), qui viennent d'être versés pour sauver le
système bancaire, ce constat est intolérable. Certes, on va nous dire que cela n'a
rien à voir. On va nous taxer de gauchisme. Les investissements
nécessaires à la remise en ordre d'un équilibre mondial n'ont rien à
voir avec les dépenses de solidarité. Si la morale et le bon sens n'ont pas suffit à le réfuter, l'actualité récente de la crise financière devrait y parvenir.
On nous parlera de l'asymétrie entre les riches et les pauvres. On nous
dira que les pauvres n'ont aucune chance de s'enrichir quand les riches
s'appauvrissent. Foutaises ! Depuis trente ans, les gains de
productivité de l'économie vont massivement au capital. La croissance
n'enrichit pas les pauvres. Les prédateurs prennent tout. On nous dira que l'on investit pour
éviter une catastrophe qui pénaliserait tout le monde. Foutaises : le
fossé croissant entre les pays prospères et les pays pauvres, et
l'omniprésence indécente de nos images représentent un risque bien plus
grand. On nous dira que les milliers de
milliards d'euros qui vont être mobilisés ne coûtent rien, puisqu'il
s'agit d'emprunts permettant des investissements (et des actifs pour
les Etats). Foutaises encore : le développement humain est tout autant
un investissement. On nous dira que nous sommes des idéalistes droits de l'hommistes et
que les pauvres n'ont pas besoin de notre argent, que la corruption et
l'illettrisme gangrènent les efforts de l'Occident. Foutaises. On s'est
contenté de verser un peu d'eau dans le sable. Avec 3 000 milliards de
dollars, on aurait changé la face du monde .On nous dira que les opinions ne sont
pas prêtes, que les électeurs sont égoïstes, que les candidats qui
auraient promis de financer l'aide au développement auraient perdu les
élections. Foutaises toujours : les américains sont très
majoritairement hostiles au plan Paulson, la rue européenne commence à
réaliser ce qui se passe à à manifester son désaccord.
La vérité est beaucoup plus simple. Les riches viennent de se serrer les coudes. Ils ont paniqué en voyant s'effondrer le monde qu'ils nous imposent depuis trente ans. Ils emploient la puissance publique, et l'argent public, pour tenter de sauver les meubles. C'est de l'abus de biens publics. On a pu sauver Wall Street, on pouvait sauver l'Afrique, le Bangladesh ou le tiers monde.On ne l'a pas fait parce qu'on s'en foutait. Cette crise vient de faire tomber les masques. Les arrogants théoriciens du «libéralisme» sont venus tendre la sébile. Les gouvernements paniqués ont vidé leurs caisses et développé une ingéniosité sans précédent pour leur sauver la mise. Ce monde marche sur la tête.Si cette crise ne lance pas le début d'une véritable contre-offensive de gauche, qui se débarrasse à la fois de ses oripeaux d'extrême gauche (notamment de ce stupide romantisme) et de ses complexes intellectuels vis à vis des nantis, nous serons des imbéciles finis aux yeux de l'histoire. Pire, nous serons coupables des morts de cette imbécilité.
Raphaël Anglade