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Je vais au Canadian Pub avec Fabien, que je viens de croiser.
On a projeté d’aller à la piscine se faire un bain de minuit. Elle
m’accueille avec un bonjour qui veut dire au revoir… D’ailleurs, elle
retourne à son appart dès que j’arrive. On fait un billard, puis elle
vient nous chercher. J’ai l’impression que je ne suis pas là pour elle,
qu’elle n’écoute que Fabien. Je ne pense pas être amoureux d’elle, mais
j’attends toujours qu’elle me considère davantage et me le montre. De
mon côté, j’ai souvent envie de lui faire voir comme je pourrais être
proche, mais je la sens qui refuse. Je ne peux pas aimer une fille
comme elle, qui aime tout le monde de la même manière et est aimée de
tout le monde. C’est comme s’il lui manquait une part d’amour qui
m’éloigne d’elle, une supériorité qui nous oppose, une joie de vivre
qui me rejette. Est-ce l’imminence de son départ qui me rend aussi
vulnérable et qui me pousse à vouloir profiter au maximum des instants
passés avec elle, ou simplement le désir d’être le seul pour elle ? Je
sais en tous cas que je suis de moins en moins indifférent au moindre
de ses gestes, et que de toute façon c’est une forme d’amour qui me lie
à elle malgré moi.
Je
ne me baigne pas. Je pense à elle. Au moment de se quitter, elle
m’informe qu’elle a donné rendez-vous à Stan et Cécile demain à dix
sept heures au Hasard. Je prends ça pour une invitation. On la
raccompagne et au moment de rentrer elle m’embrasse, et c’est comme si
je venais d’arriver, comme si le premier baiser n’avait pas eu lieu et
que c’est maintenant que ça commençait. Un baiser étrange, comme si
elle voulait me dire quelque chose. D’ailleurs, une fois partie, Fabien
me dit « Une fille qui te regarde comme ça, c’est qu’elle veut que tu
restes avec elle… » Dis-le moi, si tu
veux que je vienne ! Si c’était vrai, ce que je m’efforce de refuser à
croire, elle le dirait. Mais l’idée me plaît, et je rentre chez moi un
peu heureux, totalement largué.
Heureusement
qu’il y a la musique dans la vie. J’ai du mal à vivre simplement, sans
laisser vagabonder mon imagination, et donc la laisser me jouer des
tours. Il faut toujours que des élans passionnés rejaillissent et
foutent leur grain de sel dans la machine pour la faire dérailler.
Quand je suis avec Marlen, je souffre car je pourrais être bien avec
elle, mais elle joue avec moi comme avec les autres. Je sais que je
suis un ami qu’elle apprécie, mais elle me traite parfois comme
n’importe qui. Je pensais que son attitude déboucherait vers autre
chose, je me suis trompé.