La Justice, cette disparue de l'Yonne
Dans un courrier envoyé à l'Association des disparues de l'Yonne, en date du 9 septembre 2008, Dominique Lottin,
directrice des services judiciaires du ministère de la Justice, a
opposé une fin de non-recevoir aux parents des victimes sur leur
demande d’indemnisation. Au motif - hallucinant - que les familles
n’ont effectué aucunes démarches auprès des autorités judiciaires ou de
police, ce qui est faux. Bref, la Justice a bien fait son travail, et
la Ddass aussi. On croit rêver !
Le ministère informe les parents "qu'il ne peut être
réservé une suite favorable" à leurs demandes d'une "allocation de
25.000 euros à titre de réparation du préjudice moral subi du fait d'un
fonctionnement défectueux du service public de la justice". Les
dysfonctionnements de la justice d'Auxerre avaient été relevés dans le
rapport de l'inspection générale des services judiciaires (IGSJ) de
mars 2001. En le commentant, la garde des Sceaux de l'époque,
Marylise Lebranchu, avait déclaré que ces dysfonctionnements étaient
"susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat". Les sept
victimes - Françoise et Bernadette Lemoine, Chantal Gras, Jacqueline
Weis, Madeleine Dejust, Martine Renault et Christine Marlot - étaient
âgées de 15 à 25 ans. Pupilles de la Ddass, déficientes mentales
légères, elles avaient disparu dans la région d'Auxerre entre 1975 et
1979. La plupart avait fréquenté le bus scolaire conduit par
Emile Louis. L'une d'entre elles avait été sa maîtresse et une autre
avait été placée dans la famille du chauffeur de car. Emile Louis
avait avoué les faits en décembre 2000. Il a été condamné à la
réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de
18 ans, en 2004 par les assises de l'Yonne. Le verdict a été confirmé par la cour d'assises d'appel de Paris en novembre 2006.
Si les parents ne s’étaient pas battus contre le système, et l’enquête le prouve, Emile Louis
n’aurait jamais été arrêté. En revanche, l’Etat a été condamné à verser
130000 euros à l’ancien substitut du procureur d’Auxerre, Daniel Stilinovic, sanctionné en 2002 par le CSM puis réhabilité. Jacques Cazals,
procureur en poste à Auxerre de 1992 à 2000, qui n’avait pas non plus
brillé sur cette affaire a été promu début septembre… avocat général
adjoint chargé des affaires pénales auprès du procureur Général de
Paris. Une coïncidence de calendrier avec la lettre envoyée par la
Chancellerie. Le CSM avait conclu à son sujet qu’il avait « négligé de confier à la gendarmerie le soin de rechercher les précédents pouvant avoir un lien » avec ces disparitions.
L’association, qui voulait éviter une procédure lourde, n’a plus le choix : elle va déposer une assignation au civil.
Article Bakchich