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Ma vie avec moi...
15 juillet 2008

Le Bayrou nouveau est arrivé

François Bayrou a donné une interview très intéressante jeudi dans le Figaro, où il endosse à la perfection le rôle de premier opposant à Sarkozy. Pendant que l'ancienne candidate socialiste, la seule aujourd'hui à pouvoir sérieusement lui disputer ce titre, s'enfonce dans un délire paranoïaque pour attirer l'attention, le Béarnais dénonce à peu près tout ce que fait le pouvoir : dérive des finances publiques, main mise sur l'audiovisuel, déreglementation du temps de travail, politique d'immigration, projet d'union pour la méditerranée, retour dans l'Otan, sans parler bien sûr du style présidentiel toujours aussi égotique et grossier. Bayrou cogne de plus en plus dur.
Ceux qui annonçaient sa mort politique, faute de pouvoir exister dans la bipolarisation en seront pour leur frais. Si le modem est toujours un parti fantoche, Bayrou demeure plus que jamais l'ennemi numéro 1 de Sarkozy et son concurrent le plus dangereux pour 2012, si toutefois Sarkozy sera en mesure de se représenter, ce qui n'a rien de certain. Bayrou est d'autant plus fort qu'il a su tirer les enseignements de ses échecs de 2002 et 2007 pour muscler son discours et changer son positionnement. L'adversaire de la bipolarisation est en passe de devenir le chef d'un vaste front républicain anti-sarkozy.
Sa réponse à la question de savoir s'il envisageait une alliance avec le PS dévoile clairement sa nouvelle stratégie :
«Pour proposer au pays un destin autre que celui vers lequel on l'amène, il faudra des alliances larges. Les socialistes sont aujourd'hui devant de grandes difficultés de ligne et aussi de leadership. Donc, pour l'instant, ils s'enferment. Mais un jour, ils seront bien obligés d'ouvrir les yeux. Je pense aussi aux gaullistes. Ils vont vivre le choc du retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan et le renoncement de ce qui faisait, symboliquement, l'originalité de la France dans le monde. Un jour, tous ceux-là se ressaisiront. Ce n'est plus pour moi affaire de partis ou de courants. C'est la France qui est bouleversée dans sa vocation historique, et je connais notre pays : dans ses profondeurs, il ne l'acceptera pas.»       

Une nouvelle stratégie

Jusqu'à la dernière campagne, le positionnement de Bayrou était purement centriste. Il voulait imposer un gouvernement des meilleurs, contre la bipolarisation, à l'abri des clivages idéologiques et de la politique elle même, une solution de moindre mal dans une offre inquiétante. A l'écouter, le problème fondamental de la France semblait êtrel'alternance et la démocratie bipolaire, qu'il voulait remplacer par un nouvel avatar de la commission européenne, un gouvernement d'élite, pénétré de dogmes pour conduire la seule politique qui vaille. Quoiqu'il en dise, Bayrou a compris que cela ne marcherait jamais. Les Français n'ont pas assez confiance dans leur classe politique pour souhaiter voir sa quintessence arriver collectivement au pouvoir. Il lui fallait sortir de cette impasse stratégique et accepter le jeu de la bipolarisation. Il lui faut aussi capter les thèmes nationaux-républicains qui ont fait recette en 2007 pendant la campagne Guaino-Sarkozy.
 
L'ultime défenseur du modèle politique et social français

La mue a été silencieuse mais spectaculaire. Bayrou n'est plus le tenant d'une démocratie rationalisée et apaisée, à l'allemande ou la bruxelloise : Il est l'ultime défenseur du modèle politique et social français que Sarkozy, ce néoconservateur libéral fasciné par le modèle américain, entreprendrait de détruire consciencieusement. Il n'est plus l'apôtre de la construction européenne et de son œuvre de normalisation libérale. Il se range désormais dans le rang des eurocritiques en appelant lui aussi à une « autre Europe » qui protège notre civilisation, notre identité et notre modèle social. Il n'est plus l'homme de la raisonnable synthèse entre la droite et de la gauche. Il se range résolument dans un camp, celui de l'anti-sarkozysme, et veut prendre la tête d'un vaste front républicain.
Au fil des mois, Bayrou gagne en épaisseur politique au point de commencer à devenir un personnage intéressant. Il faut prendre garde à ne pas confondre Bayrou avec le Modem. Son parti n'a en lui-même aucun avenir. Il est réduit, compte tenu des modes de scrutins, à jouer les supplétifs ou à faire de la figuration. Bayrou a enfanté un nouveau parti vert, un réceptacle décent et pratique pour un vote par défaut pour ceux qui ne savent pas (ou ne veulent pas) choisir entre la gauche et la droite. De ce fait, l'étiquette modem condamne ceux qui la portent à plafonner à 15% dans toutes les élections à faible participation. Le « produit » Bayrou ne partage en rien ses caractéristiques. Il est formaté pour l'élection présidentielle et uniquement pour celle-ci. Sa posture haute, sa sagesse cultivée, sa mesure et sa bonhomie en font un candidat imbattable dans un second tour, quelque soit le candidat en face. Le plus dur étant de passer le premier.

Pour bien comprendre la nouvelle stratégie Bayrou, il faut faire un peu de politique fiction. Imaginons 2012 : les socialistes, échaudés par la campagne de 2007 et le pathétique destin de leur candidate qui n'a cessé que de leur faire honte depuis, n'ont aucune envie d'avoir une nouvelle fois à convertir un pourcentage en nombre de voix pour sauver l'apparence. Delanoë président, ils n'y croient pas. Ils se disent que jamais les Français ne voudront d'une tarlouze à l'Elysée. Eux, ça ne pose aucun problème, bien sûr, mais ils anticipent l'attitude du peuple pour voter efficace, ce qui revient finalement au même. Les plus politisés votent pour le facteur anticapitaliste. Les autres, la plupart, votent Bayrou. Delanoë s'effondre dans les derniers mois et finit à près de 10%.  A droite Sarkozy est pris en sandwich entre deux pôles de la droite que son discrédit a laissé se reconstituer : Une droite techno-libérale emmenée par Dominique De Villepin et une droite gaullo-républicaine par Nicolas Dupont Aignan. Sarkozy est sous le feu des critiques. NDA le concurrence sur l'idée de rupture, notamment avec l'Europe. DDV sur l'idée de réformes et sur l'exercice de la fonction présidentielle. La campagne de 2007 ne peut être rejouée à l'identique. Sarkozy hésite entre bilan et projet, entre une campagne offensive et défensive, entre style présidentiel et démagogue populiste. Sa campagne ne prend pas. Sarkozy ne sauve les meubles que grâce au vote légitimiste de tous ceux qui vont bien, et notamment une nouvelle fois les retraités aisés issus des années d'opulence. Il arrive premier mais avec seulement 24%, talonné par le Béarnais à 22%, Villepin endossant le costume du troisième homme avec 16%, NDA apparaissant comme la révélation de la campagne avec un très honorable 8%. Le deuxième tour est une formalité. Tous appellent à voter pour Bayrou, certains pour « faire barrage à Sarkozy » d'autres pour entrer dans la coalition gouvernementale. Bayrou est largement élu avec plus de 55% des voix. Il a réussi son pari. Il est président de la république et fédère une large majorité de droite et de gauche.

Bayrou président en 2012, l'hypothèse commence à devenir crédible.

Article Marianne2.fr

François Bayrou : «Les socialistes sont aujourd'hui devant de grandes difficultés de ligne et aussi de leadership.» (photo Paul Delort / Le Figaro)

L'interview en question :

Quel jugement portez-vous sur la première année de la présidence Sarkozy ?

Le déficit français qui était en mai 2007 de 40 milliards d'euros - c'était déjà trop - est en mai 2008, après exactement un an de pouvoir, de 50 milliards. C'est très mauvais signe. Deuxièmement, jour après jour, on attaque tout ce qui charpentait solidement la société française, les fondations du modèle français. En une semaine, on a eu une série d'attaques blessantes contre l'armée, non seulement des mots très durs et offensants, mais une enquête de contre-espionnage pour identifier des officiers généraux qui ont livré au Figaro une analyse critique du livre blanc ! À ce compte, qu'aurait-on fait au colonel de Gaulle en 1938 ? Le lendemain même, l'annonce d'un plan sans précédent de prise de contrôle de l'audiovisuel, l'arrêt des recettes publicitaires dirigées vers les chaînes privées et la décision de nommer le président de France Télévisions par le pouvoir. Enfin, le ricanement humiliant pour les syndicats et les grévistes… Or l'armée, les syndicats, le service public, tout cela c'est la France, et c'est cela qu'on humilie. Dangereusement.

Pourquoi avoir voté contre la loi de modernisation économique ?
Pour les cadres, augmenter de dix-sept jours supplémentaires la norme de temps de travail, alors que le stress, la pression sont de plus en plus lourds, je suis sûr qu'ils le ressentent comme un choc et une déloyauté. En même temps, le manquement à la parole de l'État envers les partenaires sociaux est grave pour l'avenir. Je dis non.

Nicolas Sarkozy préside l'UE. Approuvez-vous ses priorités ?
Nicolas Sarkozy a dit samedi «Je suis président de la République et président de l'Europe». C'est un abus de langage et un enfantillage. A-t-on jamais entendu, dans les six mois précédents, Janez Janša, premier ministre de Slovénie, se présenter comme président de l'Europe ? Ce n'est pas Nicolas Sarkozy qui préside l'Union pour six mois, c'est la France qui a la responsabilité d'animer les institutions européennes. Les quatre «priorités», environnement, immigration, PAC et armement, méritent d'être soutenues, bien sûr. Mais la question principale, à mes yeux, c'est l'éloignement, la fracture, entre les peuples européens et les institutions, les peuples et les dirigeants.

Que devrait donc faire Nicolas Sarkozy ?
Répondre en termes simples et compréhensibles aux questions qui éloignent les peuples d'Europe de la gestion de l'Union. J'ai été frappé du référendum irlandais. Il y avait deux phrases qui revenaient tout le temps : la première, c'était «on n'y comprend rien»… Et c'est vrai que le traité prétendument simplifié est cent fois plus compliqué que le texte Giscard ! Et la seconde phrase, c'était «un petit pays comme nous, on va se faire bouffer…». Tous les peuples, y compris le nôtre, ont cette crainte de perdre leur identité et la maîtrise de leur destin. Or l'Europe, c'est le contraire, c'est fait pour protéger nos identités et notre destin.

Les Vingt-Sept ont donné lundi à Cannes leur feu vert au plan français sur l'immigration. N'est-ce pas une première victoire de la présidence française ?
Je vous le dirai quand nous aurons les textes définitifs, s'ils arrivent, à l'automne. En attendant, en France, le rapport Mazeaud porte un jugement incroyablement dur sur les politiques de quotas, qui n'ont réussi dans aucun pays dans le monde. Je suis pour une politique de prise en compte des immigrés qui s'intègrent, notamment par le travail.

L'UMP entend maintenir un référendum avant l'adhésion de la Turquie. Y êtes-vous toujours opposé ?
Vous savez les réserves que je n'ai cessé d'exprimer sur l'adhésion de la Turquie. Mais on ne peut pas, on ne doit pas, demander à un peuple de rejeter un autre peuple. Imaginez l'offense et donc les risques…

Que pensez-vous du projet d'Union pour la Méditerranée ?
Je ne sais pas ce que c'est ! Quarante-quatre pays devraient y être associés. Quand on voit les difficultés de l'Europe à 27, imaginez à 44 ! Pour l'instant, cela m'apparaît largement comme de la communication…

Êtes-vous choqué par la présence de Bachar el-Assad le 14 Juillet ?
Il y a trois semaines à peine, à Beyrouth, on assurait aux Libanais : «Les coupables des assassinats seront punis»… Et le 14 Juillet, à Paris, on va apporter au dirigeant syrien la reconnaissance internationale et son plein retour dans le jeu des nations ! Et cela sans qu'il y ait eu l'expression du moindre regret ou du moindre changement de ligne.

Approuvez-vous le fait que le président parle devant l'UMP ?
On ne devrait pas accepter cela. Le président de la République cesse d'être le président de tous les Français dès l'instant qu'il s'affiche comme chef de parti. Au lieu d'être l'homme de la nation, il se fait le porte-parole d'un clan. Il n'est plus la figure du rassemblement et de la réconciliation. Il devient une figure d'affrontement et de fracture. C'est la fonction elle-même qui est ainsi mise en cause.

Tout cela pourrait-il vous conduire à faire alliance avec le PS ?
Pour proposer au pays un destin autre que celui vers lequel on l'amène, il faudra des alliances larges. Les socialistes sont aujourd'hui devant de grandes difficultés de ligne et aussi de leadership. Donc, pour l'instant, ils s'enferment. Mais un jour, ils seront bien obligés d'ouvrir les yeux. Je pense aussi aux gaullistes. Ils vont vivre le choc du retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan et le renoncement de ce qui faisait, symboliquement, l'originalité de la France dans le monde. Un jour, tous ceux-là se ressaisiront. Ce n'est plus pour moi affaire de partis ou de courants. C'est la France qui est bouleversée dans sa vocation historique, et je connais notre pays : dans ses profondeurs, il ne l'acceptera pas. En tout cas, c'est mon engagement.

N'y a-t-il pas des réformes qui trouvent grâce à vos yeux ?
Bien sûr que si ! La décision sur le contrat de travail, l'intéressement, même les heures supplémentaires, tout ce que j'ai défendu hier, je l'approuve aujourd'hui.

Jean Arthuis a réuni vingt et un parlementaires centristes. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
Quand on vit des moments historiques, et je crois que c'est le cas, il y a toujours des gens pour grenouiller, manœuvrer avec l'espoir de se retrouver dans les petits papiers du pouvoir. Et aller chercher comme égérie Christine Boutin, il fallait le trouver ! Ils se disent «centristes». Pour moi, je ne crois au centre que s'il est indépendant, courageux, rebelle, visionnaire. Toute autre attitude conduit à l'inexistence et au dérisoire.

Que pensez-vous des déclarations de Ségolène Royal qui fait un lien entre le cambriolage de son appartement et sa dénonciation du «clan Sarkozy» ?
Franchement, je n'en pense rien…

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